Le droit des enfants et des jeunes à un environnement propre, sain et durable

Un plaidoyer juridique à l’usage des enfants et des grands

Nous cherchons toutes et tous à vivre dans des bonnes conditions, qui favorisent notre développement et respectent notre personnalité. Mais ce besoin et cet espoir sont irréalisables si les espaces qui nous entourent ne sont pas d’une qualité suffisante. C’est-à-dire notre environnement !

D’une part, seul un bon environnement nous permet de bénéficier d’une eau potable, d’un air respirable, d’une alimentation saine et d’un toit ou d’un logement décent. Sans cela, notre santé et même notre survie ne sont pas assurées.

Ces mots ne sont pas choisis au hasard. Ils correspondent à des biens, ou à des engagements qui sont reconnus depuis longtemps en tant que « droits de l’enfant ».

D’autre part, un bon environnement est indispensable pour nous développer en toute sécurité, ainsi que pour apprendre, jouer et travailler dans un cadre favorable. Il sert à prévenir et limiter les accidents et les maladies transmissibles, et à préserver les milieux naturels.

Chacun de ces objectifs se retrouve dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1989).

Alors

  • qu’est-ce que « notre environnement » ?
  • le droit de chaque enfant de vivre et de grandir dans un environnement sain existe-t-il déjà ?
  • et si ce droit existe, de quoi est-il fait exactement ?
  • qui est responsable ?
  • que pouvons-nous faire ?

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Qu’est-ce que « notre environnement » ?

En 1972 a eu lieu, à Stockholm, la première Conférence des Nations Unies sur l’environnement. Elle a défini les paramètres du droit à un environnement sain et proclamé la nécessité de le protéger et de l’améliorer [1].

  1. L’environnement est composé des éléments naturels : l’eau, l’air, la terre, la végétation et les êtres vivants ; les ressources naturelles et l’équilibre écologique de la biosphère. Il comprend aussi les constructions, les transformations et tous les changements que l’homme a apportés ou imposés.
  2. L’environnement doit permettre à chaque personne de vivre dans des conditions qui « sont indispensables à son bien-être et à la pleine jouissance de ses droits fondamentaux », ainsi qu’à son développement intellectuel, moral, social et spirituel.
  3. La planète entière est concernée, tous les lieux d’habitation et de travail, et tous les pays. Toutes les populations ont droit à un environnement sain et adapté à leurs besoins.
  4. La qualité de l’environnement, sa protection et son amélioration « doivent être préservées dans l’intérêt des générations présentes et à venir ».

Est-ce que le droit de vivre dans un environnement propre, sain et durable existe déjà ?

Les paramètres instaurés en 1972 sont pertinents aujourd’hui encore. Car les dangers qui pèsent sur l’équilibre écologique de notre planète continuent à impacter notre qualité de vie et ils entravent la réalisation de nos droits humains.

De ce point de vue, la promotion d’un environnement propre, sain et durable n’est pas une possibilité. Ça n’est pas une option. C’est devenu une obligation incontournable, un devoir pour les gouvernements [2], et un droit pour tous les individus, où qu’ils vivent sur la planète Terre.

Mais au-delà des très nombreuses déclarations et affirmations des gouvernements et des organisations internationales se pose la question de la portée juridique de ce droit-devoir.

Quel est ce droit, et quels sont les devoirs ?

Sans un environnement sain, plusieurs engagements pris envers les enfants sont irréalisables, en particulier :

  • le droit des enfants à la vie, à la survie et à un développement harmonieux (article 6 de la Convention relative aux droits de l’enfant)
  • le droit à la protection de sa vie privée, sa famille et son domicile (art. 16) [3]
  • le droit de ne pas tomber malade et d’avoir la meilleure santé possible (article 24), y compris l’accès à une eau potable, la salubrité de l’environnement et de l’air, la prévention de la pollution de l’air et des milieux naturels
  • le droit d’avoir un niveau de vie convenable, une alimentation saine et suffisante et un toit (article 27)
  • le droit des populations autochtones d’avoir leur propre vie culturelle (article 30)
  • le droit d’exercer ses activités d’enfant en toute sécurité et de travailler dans des conditions saines (articles 31 et 32)
  • ainsi que le droit de tous les enfants d’exercer pleinement leurs droits, en application des principes d’égalité et de non-discrimination (article 2).

Ces droits sont fort bien connus, depuis longtemps. Ils dépendent de la qualité de l’environnement et en sont même indissociables. C’est pourquoi tous les empêchements et obstacles à leur exercice doivent être étudiés et combattus, également ceux qui relèvent de la catégorie « environnement », « pollution » ou « climat », partout où ils se produisent.

Vu sous cet angle

maintenant déjà, chaque enfant a le droit de vivre et de grandir
dans un environnement sain !

Ce droit n’est pas monothématique, c’est-à-dire consacré à un seul secteur d’activité. C’est « tout un programme » (ou, en langage juridique, un « droit de nature programmatoire »). Il implique que les gouvernements ont le devoir de prendre des décisions, planifier et programmer des actions appropriées, à court, à moyen et à long terme, et d’agir dans l’urgence, si cela s’avère nécessaire. Bien que son contenu soit très technique, l’Accord de Paris sur le climat de 2015 (adopté par la COP 21) sert de référence et d’indicateur des progrès à accomplir [4]. Des enfants, des parents et des associations l’invoquent devant les tribunaux de leur pays et devant la Cour européenne des droits de l’homme (voir l’affaire Cláudia Duarte Agostinho – bloc en préparation).

Qui est responsable ?

Les périls pour la vie, la sécurité et la santé des êtres humains et de la planète sont connus et étudiés depuis longtemps : les pollutions, les constructions et les tâches humaines, y compris la gestion des déchets et des émanations toxiques, le trafic automobile et aérien, les extractions minières et d’hydrocarbures, la déforestation, les pesticides, l’aménagement du territoire et des villes, le bruit, les excès de chaleur et la sécheresse, les inondations et l’inaccessibilité des services de base, etc. Des millions d’enfants et d’adultes en sont les victimes. Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat) estime qu’entre 3,3 et 3,6 milliards de personnes habitent dans des zones exposées [5].

Depuis 1989, les gouvernements et les administrations ont l’obligation de respecter tous les droits de l’enfant (art. 4 de la Convention). Pour assurer à chacune et à chacun un cadre de vie décent, il faut des lois et des programmes d’action, y compris des mesures environnementales contraignantes au plan national, régional et local. Les gouvernements sont responsables de l’application des lois, mais ils ne peuvent pas être seuls à agir. Pour réussir, des changements de comportement et des restrictions risquent d’être imposés aux entreprises, aux industries et à la population.

Et si des mesures environnementales ne sont pas prises ?

Ce sont les droits humains les plus anciens et les moins contestés qui constituent les leviers du droit à un environnement sain. Puisque la Convention relative aux droits de l’enfant les garantit, ils servent de points d’appui et offrent une perspective de mise en œuvre précise, et quasi-instantanée.

            La voie judiciaire

Si effectivement, notre environnement est trop pollué ou dénaturé, il est envisageable d’agir en justice. Cependant, pour recourir, il faut être directement concerné ; dire quel droit est ciblé, par exemple sa santé ; et apporter la preuve qu’il existe un rapport direct entre cette pollution et l’atteinte à la santé (appelé « lien de causalité »).

Lorsqu’une menace réelle est reconnue, l’État peut être condamné à cesser ou modifier son activité nuisible, à réparer le dommage à la santé ou à abandonner le projet de développement prévu.

Ce levier est accessible à toutes et tous, y compris aux enfants dans l’exercice de leurs propres droits et en particulier leur droit à la parole et à l’écoute sur toutes les questions les concernant (art. 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant). Des procès ont déjà eu lieu, d’autres affaires importantes sont en cours (voir les encadrés). Cependant, ce sont des procédures lourdes et coûteuses, en raison des exigences techniques à satisfaire et du fait que les autorités ou les entreprises condamnées n’hésitent pas à faire recours.

Il existe d’autres outils pour interpeller les gouvernements afin d’influencer les politiques environnementales et les pratiques des industries et des autres acteurs économiques.

            Les adresses aux gouvernements

Sur le plan politique,               

les député.e.s élu.e.s dans les parlements nationaux et régionaux peuvent demander des mesures à leur gouvernement et voter des lois efficaces, même si elles limitent la liberté de circulation et de déplacement, ou la consommation de certains biens.

À un niveau plus technique,

les projets d’aménagement des espaces publics, de construction, d’exploitation minière doivent être précédés d’une mise à l’enquête publique. Une autorisation de construire ou d’exploiter est ensuite délivrée par le gouvernement. Chacune et chacun a le droit de poser des questions, de soumettre des contre-propositions et de signaler son opposition à un projet :

  • en soulignant la mise en danger de l’un de ses droits, que ce danger soit présent ou futur
  • en demandant une meilleure protection environnementale et des engagements plus concrets.

            Le droit de pétition

C’est un droit universel, qui est ouvert à chacune et à chacun, aux enfants, aux jeunes et aux moins jeunes. Il permet d’adresser des réclamations et des propositions d’action ou d’aménagement aux autorités, et les autorités sont tenues de préparer une réponse. On peut exercer ce droit aussi bien en groupe qu’isolément.

La « démocratie environnementale »

L’exercice de la démocratie environnementale par les enfants et par les jeunes, seuls ou en groupe, repose sur des normes et des règles déjà existantes :

  • le droit d’être informé sur son environnement et d’apprendre le respect des milieux naturels, y compris dans le cadre de l’enseignement (articles 17 et 29 de la Convention relative aux droits de l’enfant)
  • le droit de connaître ses droits (article 42)
  • la participation aux processus de décision, le droit d’être entendu et pris au sérieux (article 12) et les libertés d’expression, de réunion et de manifestation (articles 13 et 15)
  • le droit d’avoir accès à la justice et à des voies de recours rapides [6]
  • ainsi que les droits et les procédures reconnus dans la Convention d’Aarhus, conclue en 1998 [7].  

En conclusion

Notre besoin et le souhait de vivre dans l’environnement le plus agréable possible dépassent certainement les limites de la Convention relative aux droits de l’enfant, et celles des autres traités internationaux. Plusieurs Constitutions nationales en tiennent compte ; elles parlent de l’importance de ce « droit », mais sans donner beaucoup de précisions [8].

Il est vrai qu’au plan international, la garantie de notre droit à un environnement sain, propre et durable n’est pas (encore) écrite noir sur blanc, comme un tout. Toutefois nous disposons déjà d’importants acquis, qui sont officiellement reconnus : la santé, l’alimentation, le niveau et la qualité de vie, le droit d’être entendu et pris au sérieux. Faut-il se fixer d’autres objectifs qui deviendront « opposables », c’est-à-dire des engagements obligatoires, que chacune ou chacun pourra invoquer devant les tribunaux, ou pour défendre ou stopper un projet d’aménagement ?

           Des avis et des décisions

D’éminents comités se sont saisi de la question et insistent sur la nécessité d’agir vite, tels le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies [9]. Des instances judiciaires ont rendu des avis et des décisions, telles la Commission interaméricaine des droits de l’homme [10], la Cour européenne des droits de l’homme (blocs en préparation).

D’un côté, les temps de réaction et de négociation des institutions nationales et internationales sont lents. De l’autre, les impacts sur l’exercice des droits humains s’accélèrent et se diversifient, qu’il s’agisse des dérèglements climatiques, de la dégradation des biotopes ou des modes actuels de consommation.

            Mais dès maintenant

pour aller concrètement de l’avant, les États et les organisations internationales doivent activement

écouter les habitant.e.s, les communautés indigènes,
les gens des villes et des campagnes, de la mer et de la montagne,
et les enfants,

lorsqu’ils invoquent la défense et la qualité de leur environnement, de leur habitat et de leur santé, dans le présent et pour l’avenir.

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Quelques points de repère et de référence

Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (en 2020)

« 3. Affirme qu’il est essentiel de veiller à ce que chaque enfant, qu’il appartienne à la génération actuelle ou aux générations futures, puisse jouir d’un environnement de nature à assurer sa santé et son bien-être, et que la prévention des dommages environnementaux est le meilleur moyen de protéger pleinement les enfants contre les effets de ces dommages

[…]

7. Exhorte les États à veiller à ce que les enfants aient accès à la justice et à des recours rapides, efficaces, inclusifs et adaptés en fonction du sexe et de l’âge, lorsque les dommages environnementaux entraînent des violations de leurs droits ou des atteintes à ces droits […] .» [11]

Des décisions emblématiques

bloc en préparation

L’Observation générale n° 26 du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies

bloc en préparation

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Pour compléter sa documentation :

[1] Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, Stockholm, 5-16 juin 1972, doc. A/CONF.48/14/Rev.1, points I.1, I.3, I.6 et I.7, principes 1 et 2 (https://www.un.org/fr/conferences/environment/stockholm1972).

[2]   Op.cit., point I.2.

[3] La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que certaines atteintes à l’environnement, en particulier une pollution d’origine industrielle, peuvent constituer une violation de l’art. 8 de la Convention européenne, si elles ont des « répercussions directes sur le droit au respect du domicile, de la vie familiale ou de la vie privée du requérant. » Requête no 55723/00, Fadeïeva contre Russie, arrêt du 9 juin 2005 (par. 68 à 70 i.a.) (https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-69316).

[4] Son objectif premier est de « renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques, dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté ». Cet accord a été ratifié par 193 États et par l’Union européenne ; il est entré en vigueur le 4 novembre 2016 (https://www.un.org/fr/climatechange/paris-agreement).

[5] GIEC, Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat, Sixième rapport d’évaluation 2022, adopté le 27 février 2022 (https://www.unep.org/fr/resources/rapport/sixieme-rapport-devaluation-du-giec-changement-climatique-2022).

[6] L’accès à la justice est garanti aux enfants par l’art. 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et par l’art. 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

[7] Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. Elle a été adoptée en 1998 dans le cadre de la Commission économique pour l’Europe, qui est rattachée aux Nations Unies. 46 États européens et l’Union européenne l’ont ratifiée (https://unece.org/environment-policy/public-participation/aarhus-convention/text). Pour la version officielle française, voir p. ex. https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2014/235/fr

[8] Ainsi la Constitution russe, du 12 décembre 1993 (https://mjp.univ-perp.fr/constit/ru2020.htm ) :

Article 42. Chacun a droit à un environnement sain, à une information fiable sur l’état de cet environnement, à la réparation du dommage causé à sa santé ou à son patrimoine par une infraction aux normes écologiques.

Ou la Constitution brésilienne, du 5 octobre 1988 (https://www.persee.fr/doc/rjenv_0397-0299_1989_num_14_2_2490) :

Art. 225. Tous ont le droit à un environnement écologiquement équilibré, en tant que chose commune au peuple et en tant qu’élément essentiel à une saine qualité de vie ; les pouvoirs publics et « la société civile » ont le devoir de le défendre et de le préserver pour les générations présentes et futures.

[9] ONU, Comité des droits de l’enfant, https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/08/urgent-action-states-needed-tackle-climate-change-says-un-committee-guidance. L’Observation générale n° 26 du Comité des droits de l’enfant est en voie de publication. Cette note sera actualisée au fil des événements.

[10] Corte Interamericana de Derechos Humanos, Opinión Consultiva OC-23/17 de 15 de noviembre de 2017. Serie A No. 23 (https://www.oas.org/es/cidh/jsForm/?File=/es/CIDH/r/DESCA/corteidh.asp#2).

[11] ONU, Conseil des droits de l’homme, Droits de l’enfant : réaliser les droits de l’enfant grâce à un environnement sain, A/HRC/RES/45/30 (2020). Résolution adoptée sans vote le 7 octobre 2020. L’environnement y est vu non pas directement comme un droit, mais comme un moyen de parvenir à la meilleure réalisation des droits des enfants ( https://digitallibrary.un.org/record/3888433 ).

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